Des mots

SILENCE

Le jeune homme est sorti de sa chambre très tôt.

Ecouteurs aux oreilles et une musique qui bientôt lui aura complètement grillé les tympans.

Il ne saurait dire combien de kilomètres il a parcouru, combien de temps il a marché pour arriver là.

Il était sorti de la ville sans même sans rendre compte. Maintenant il se trouvait seul.

Quand il y pensait, c’était impossible. Il n’y avait pas un immeuble à l’horizon. On ne quitte pas la ville comme ça. Elle s’accroche à vous et ne vous perd pas de vue.

Le garçon allait rentrer quand il se rendit compte qu’il ne savait pas où aller. Aucune piste, aucune trace de pas. Comment savoir d’où il venait ?

Alors pour la première fois depuis longtemps le garçon baissa ses écouteurs.

Silence. Il était seul.

Plus de cris et plus de pleurs. Fini les gémissements de sa mère sous les coups du père rentré cette fois-ci après trois jours.

Fini les plaintes de son père sur la vie trop chère et le poids que représente ses « bons à rien » d’enfants.

Les pleurs de ses deux petits frères qui l’empêchent de travailler, la voix de sa sœur qui chante pour oublier que son père l’a conseillé de se trouver un « sponsor », ont disparus.

Le bruit assourdissant provenant des bars près de chez lui et qui jamais ne désemplissent ne l’atteint plus. Les insultes lancées par des ivrognes, les bagarres et le bruit des bouteilles que l’on brise se sont effacés.

Même les voix qui l’obsèdent se sont tues. Elles ne sont plus là pour le rabaisser. Pour lui rappeler qu’il n’est pas assez fort. Pas assez fort pour défendre sa mère, pour prendre soin de ses frères et de sa sœur. Elles ne se moquent plus de sa timidité et de sa lâcheté. Il est seul.

Enfin !

Alors il étend les bras et il se sent transporté. Il n’est plus un garçon mais un homme. Il tient l’univers dans ses grandes mains. Il sent toute la force du monde dans son corps et finalement l’espoir l’envahit.

Désormais il sait qu’il pourra combattre. Il le jure de sa voix à présent si forte et si puissante. Et personne n’est là pour le lui contester.

Pour l’instant. Car déjà il sent que la ville le rattrape, que la vie gronde après lui et le rappelle. Alors il remet ses écouteurs, lentement, pour pouvoir encore profiter du silence.